La démocratie est-elle à la hauteur de l’urgence écologique ? / Is democracy equal to the ecological emergency?




https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/philosophie-de-lecologie-24-la-democratie-est-elle-a-la-hauteur-de-lurgence-ecologique


Passer à une écologie politique

Je crois que c’est notre individualisme et notre croyance en la possibilité à déterminer nous-mêmes les sociétés politiques indépendamment de la nature qui fait que nous avons du mal à passer à une écologie politique, à considérer l’urgence écologique, parce que nous continuons de faire comme si les sociétés politiques n’étaient que des affaires artificielles qui consisteraient à poser les rapports de gouvernement entre les hommes or bien évidemment l’écologie suppose de faire rentrer la question de la nature et la question des rapports entre les hommes et la nature, ce qui détermine aussi les rapports entre les hommes eux-mêmes.
Fabienne Brugère

La communauté scientifique est-elle ignorée ?

On oublie d’écouter la communauté scientifique. Depuis une trentaine d’années, nous savions que si nous continuions à émettre des gaz à effet de serre, nous irions dans la deuxième partie de ce siècle vers des réchauffements importants, des élévations de la mer, des conséquences importantes et en fait nous sommes sur la trajectoire d’évolution du climat que nous envisagions. Les problèmes à long terme sont toujours masqués par les problématiques de court terme.
Jean Jouzel

Universalité mise à mal par Donald Trump

La communauté scientifique se mobilise en particulier à travers le GIEC, ce groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, créé en 1988. En 1990 il produit son premier rapport, suffisamment alarmiste et clair pour qu’en 1992 lors du Sommet de la Terre de Rio des décisions soient prises, une convention climat, de bons sens, indique la prise de décisions pour limiter l’augmentation des gaz à effet de serre qui sont déjà, on le sait, à l’origine de ce réchauffement. Bien sûr, la première conférence climat c’est à Berlin en 1995 et il y a trois conférences emblématiques : celle de Kyoto en 1997 donc l’échec est lié au non engagement des Etats-Unis et aussi le fait que personne n’avait anticipé la montée très rapide des émissions de gaz à effet de serre en Chine par exemple. Copenhague, un échec complet. On peut qualifier la troisième conférence emblématique, celle de Paris en 2015, de succès, lié à la démocratie, à l’universalité de l’accord de Paris. À l’époque tous les pays ou presque l’avaient signée mais malheureusement cette universalité, Donald Trump l’a mise à mal et peut-être Bolsonaro dans quelques semaines…
Jean Jouzel

Reconnaissance de l'interdépendance des nations

Nous avons besoin de dirigeants capables de figurer l’urgence écologique, de mettre au point des mesures qui montrent combien l’écologie participe de notre bien-être. Il y aussi en jeu toute une conception du monde : chaque nation doit-elle affirmer sa souveraineté avec toute la possibilité d’un choc des souverainetés qui d’une certaine manière ne pourra justement que pâtir aux différentes populations puisque précisément il y a de moins en moins de coopération entre les nations. Ou au contraire ne vaudrait-il pas mieux reconnaître notre fondamentale interdépendance, à savoir que les nations sont interdépendantes, ce que l’on sait depuis le projet de paix perpétuelle de Kant lorsqu’il explique que le cosmopolitisme est le fait que nous appartenons tous à la même terre. D’une certaine manière nous sommes tous liés.
Fabienne Brugère


About thirty years ago, the scientific community warned about global warming and climate change.... Today, we are on the path she predicted. Is the ecological emergency incompatible with democracy, which is slow in its functioning?
Why is ecological emergency not expressed in the ballot box?
Green candidates are not very popular.
In 1974, René Dumont (1904-2001), an agronomist and first ecologist candidate in the presidential elections, published a committed election manifesto: "It's up to you to choose: ecology or death". He received only 1.32% of the votes but was the contesting candidate of a growth society incompatible with social and environmental well-being and founded political ecology.

Moving to a political ecology

I believe that it is our individualism and our belief in the possibility of determining political societies ourselves independently of nature that makes it difficult for us to move to a political ecology, to consider ecological urgency, because we continue to pretend that political societies are only artificial affairs that would consist in asking for government relations between men, and of course ecology involves bringing in the question of nature and the question of relations between men and nature, which also determines relations between men themselves.
    Fabienne Brugère

Is the scientific community being ignored?

We forget to listen to the scientific community. For about thirty years, we knew that if we continued to emit greenhouse gases, we would move into the second half of this century towards significant warming, sea level rise, significant consequences and in fact we are on the climate change trajectory that we were considering. Long-term problems are always masked by short-term problems.
    Jean Jouzel

Universality undermined by Donald Trump

The scientific community is mobilized in particular through the IPCC, this intergovernmental group of experts on climate change, created in 1988. In 1990 he produced his first report, sufficiently alarmist and clear that in 1992, at the Rio Earth Summit, decisions were taken, a climate convention, common sense, indicated the taking of decisions to limit the increase in greenhouse gases which are already, as we know, at the root of this warming. Of course, the first climate conference was held in Berlin in 1995 and there are three emblematic conferences: the one in Kyoto in 1997, so the failure is linked to the noncommitment of the United States and also the fact that no one had anticipated the very rapid rise in greenhouse gas emissions in China, for example. Copenhagen, a complete failure. The third emblematic conference, the one in Paris in 2015, can be described as a success, linked to democracy and the universality of the Paris Agreement. At the time, almost all countries had signed it, but unfortunately this universality was undermined by Donald Trump and perhaps Bolsonaro in a few weeks...
    Jean Jouzel

Recognition of the interdependence of nations

We need leaders who can understand the ecological urgency, who can develop measures that show how ecology contributes to our well-being. There is also a whole world view at stake: must each nation assert its sovereignty with all the possibility of a clash of sovereignties that in a certain way can only affect the different populations, since there is less and less cooperation between nations? Or on the contrary, would it not be better to recognize our fundamental interdependence, namely that nations are interdependent, which we have known since Kant's project for perpetual peace when he explains that cosmopolitanism is the fact that we all belong to the same land. In a way we are all connected.