Aux origines de l'écologie / At the origins of ecology


 

Yosemite National Park


https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/philosophie-de-lecologie-14-aux-origines-de-lecologie


« Dans les bois, nous revenons à la raison et à la foi. Là, je sens que rien ne peut m’arriver dans la vie, ni disgrâce, ni calamité (mes yeux m’étant laissés) que la nature ne puisse réparer. Debout sur le sol nu, la tête baignée par l’air joyeux et soulevée dans l’espace infini, tous nos petits égoïsmes s’évanouissent. Je deviens une pupille transparente ; je ne suis rien, je vois tout ; les courants de l’Être universel circulent à travers moi ; je suis une partie ou une parcelle de Dieu. Le nom de l’ami le plus cher sonne alors comme étranger et fortuit : être frère ou ami, maître ou serviteur apparaît comme un embarras et un détail sans valeur. Je suis l’amant de la beauté immortelle et sans entraves.  Dans la nature sauvage, je trouve quelque chose de plus cher et de plus primordial que dans les rues ou les villages. A travers la tranquillité du paysage, et spécialement sur la ligne lointaine de l’horizon, l’homme contemple quelque chose d’aussi magnifique que sa propre nature. »  Ralph Waldo Emerson , 1836  


" Voilà  bien une soirée délicieuse, quand le corps tout entier n'est plus qu'un sens et absorbe le plaisir par tous les pores de la peau! Je vais et viens avec une étrange liberté dans la Nature, je me fonds en elle. Lorsque je longe la rive pierreuse du lac, en bras de chemise malgré le temps frais, nuageux et venteux, sans rien remarquer de particulier qui soit digne d'attirer mon attention, je me sens étrangement à  l'unisson de tous les éléments. Les grenouilles taureaux trompettent pour annoncer la tombée de la nuit et les bourrasques m'apportent de l'autre rive la voix de l'engoulevent. L'élan de sympathie qui me pousse vers les feuilles frémissantes de l'aulne et du peuplier me coupe presque le souffle; pourtant, comme le plan d'eau du lac, ma sérénité se ride sans vraiment se troubler. Ces vaguelettes soulevées par le vent du soir sont aussi éloignées de la tempète que la surface lisse semblable à  un miroir. Bien qu'il fasse maintenant nuit, le vent souffle et rugit toujours dans le bois, les vagues se brisent, et quelques créatures bercent les autres de leur chant. Le calme n'est jamais complet. Les plus sauvages parmi les animaux, loin de se reposer, cherchent maintenant leur proie; le renard, le putois et le lapin rodent à  travers champs et bois, sans peur. Ce sont les veilleurs de la Nature   les liens qui relient les jours de la vie animée." Henry David Thoreau, 1854


"Toutes les éthiques élaborées jusqu'ici reposent sur un seul présupposé : que l'individu est membre d’une communauté de parties interdépendantes. Son instinct le pousse à concourir pour prendre sa place dans cette communauté, mais son éthique le pousse aussi à coopérer (peut-être afin qu'il y ait une place en vue de laquelle concourir).

L'éthique de la terre élargit simplement les frontières de la communauté de manière à y inclure le sol, l'eau, les plantes et les animaux ou, collectivement, la terre.

Cela paraît simple : ne chantons-nous pas déjà l'amour et les devoirs qui nous lient à notre sol patriotique, terre de liberté ? Oui, mais qui et quoi au juste aimons-nous ? Certainement pas le sol, que nous envoyons à vau-l'eau, au fil des fleuves. Certainement pas ces fleuves eux-mêmes, dont nous pensons qu'ils n'ont d'autre fonction que de faire tourner nos turbines, porter nos péniches et charrier nos déchets. Certainement pas les plantes, que nous exterminons sans ciller par communautés entières. Certaine­ment pas les animaux, dont nous avons déjà exterminé bien des espèces, parmi les plus grandes et les plus belles. Une éthique de la terre ne saurait bien entendu prévenir l'altération ni l'exploitation de ces « ressources », mais elle affirme leur droit à continuer d'exister et, par endroits du moins, à continuer d'exister dans un état naturel.

En bref, une éthique de la terre fait passer l'Homo sapiens du rôle de conquérant de la communauté-terre à celui de membre et citoyen parmi  d'autres de cette communauté. Elle implique le respect des autres membres, et aussi le respect de la communauté en tant que telle." Aldo Leopold, 1949


In the 19th century, from Emerson to Thoreau, American thought developed an ecological consciousness, transforming the nature of a melancholic figure into a vast space to discover but also to protect... Are the United States at the origin of modern environmental ethics?
At the end of the 19th century, in the United States, the creation of national parks such as Yosemite Park testified to the emergence of new ecological values.
Through the concept of wilderness, American thinkers such as Ralph Waldo Emerson, Henry David Thoreau or Aldo Leopold, are developing tools to safeguard nature such as a canonical preservation ethics for Leopold. In the United States, the latter is considered the father of environmental protection and the founder of modern environmental ethics.   


"In the woods, we return to reason and faith. There, I feel that nothing can happen to me in life, neither disgrace nor calamity (my eyes having been left to me) that nature cannot repair. Standing on the bare ground, his head bathed in the joyful air and raised in infinite space, all our little selfishness vanished. I become a transparent ward; I am nothing, I see everything; the currents of the universal Being flow through me; I am a part or parcel of God. The name of the dearest friend then sounds like a stranger and fortuitous: being a brother or friend, master or servant appears as an embarrassment and a worthless detail. I am the lover of immortal and unfettered beauty.  In the wilderness, I find something more expensive and essential than in the streets or villages. Through the tranquility of the landscape, and especially on the distant line of the horizon, man contemplates something as magnificent as his own nature. "Ralph Waldo Emerson, 1836


"This is a delicious evening, when the whole body is just a sense and absorbs the pleasure through all the pores of the skin! I come and go with a strange freedom in Nature, I melt into it. When I walk along the stony shore of the lake, in shirt arms despite the cool, cloudy and windy weather, without noticing anything in particular worthy of my attention, I feel strangely united with all the elements. The bull frogs trumpet to announce nightfall and the gusts bring me the voice of the nightjar on the other side. The surge of sympathy that pushes me towards the quivering leaves of alder and poplar almost takes my breath away; yet, like the lake's water, my serenity wrinkles without really being disturbed. These ripples raised by the evening wind are as far from the storm as the smooth mirror-like surface. Although it is now night, the wind is still blowing and roaring in the woods, the waves are breaking, and some creatures are rocking the others with their songs. The calm is never complete. The wildest among the animals, far from resting, are now searching for their prey; the fox, the polecat and the rabbit roam through fields and woods, without fear. It is the watchers of Nature who connect the days of animated life." Henry David Thoreau, 1854


"All the ethics developed so far are based on a single assumption: that the individual is a member of a community of interdependent parties. His instinct pushes him to compete to take his place in this community, but his ethics also push him to cooperate (perhaps so that there is a place to compete for).

The ethic of the land simply extends the boundaries of the community to include soil, water, plants and animals or, collectively, the land.

It seems simple: don't we already sing about the love and duties that bind us to our patriotic soil, a land of freedom? Yes, but who and what exactly do we love? Certainly not the soil, which we send down the rivers. Certainly not these rivers themselves, which we believe have no other function than to run our turbines, carry our barges and carry our waste. Certainly not plants, which we exterminate without blinking by whole communities. Certainly not the animals, of which we have already exterminated many species, some of the largest and most beautiful. An earth ethic cannot, of course, prevent the alteration or exploitation of these "resources", but it affirms their right to continue to exist and, in some places at least, to continue to exist in a natural state.

In short, an ethic of the earth moves Homo sapiens from the role of conqueror of the land community to that of member and citizen among others of that community. It implies respect for other members, and also respect for the community as such." Aldo Leopold, 1949