MALVEILLANCE …FAUSSES NOUVELLES …VACCINS ...Qui a dit: « C’était mieux avant ! »


 Au dix-huitième siècle, la variole tuait, chaque année, 50 000 à 80 000 personnes en France ...  

   Elizabeth Duriez       

           6 Février 1816


 «  Messieurs,

 Je suis informé qu’on a osé faire circuler dans le département les nouvelles les plus absurdes. Cette manœuvre de la malveillance ne mériterait que le mépris, si l’autorité publique pouvait mépriser tout ce qui tend à abuser de la crédulité, et à entretenir dans les esprits une agitation funeste. Immédiatement rapprochés du peuple, vous ne devez, Messieurs, négliger aucun moyen pour détruire l’effet de ces fausses nouvelles, empêcher qu’elles ne se propagent  et en démontrer la fausseté.

 Ces sortes de bruits tendent à inspirer des craintes chimériques, à ébranler la confiance et surtout la fidélité au Roi, à faire douter de la force du gouvernement. (…)

 Les personnes qui se permettent de les répandre, même de les répéter, sont évidemment des ennemis du Roi, du bon ordre et de la tranquillité publique, et vous ne devez pas hésiter à les faire arrêter sur-le-champ, quelles qu’elles soient. Tout individu qui répandrait ou accréditerait des alarmes est coupable d’actes séditieux. (…)

 Réclamez le concours de MM. les Curés et Recteurs. Personne ne peut vous aider plus efficacement à démasquer l’imposture et à faire ressortir la vérité. 

Je compte, avec une entière confiance, sur le plein succès de vos efforts.(…) » 

                     2 Avril 1816 

« Messieurs,

 (…) Il est un objet bien essentiel et intimement lié à la paix publique sur lequel je ne saurais trop fixer votre attention : c’est la circulation des fausses nouvelles inventées pour tromper le peuple et ébranler la confiance que tout Français doit avoir pour le Gouvernement paternel du meilleur des Rois. Je vous ai déjà recommandé, notamment par ma circulaire du 6 février dernier, de ne pas hésiter à faire arrêter, en m’en prévenant sur-le-champ, toute personne qui sèmerait ou accréditerait des alarmes. L’emploi de cette mesure de rigueur, indispensable dans les circonstances actuelles, ne doit pas vous empêcher d’user de tous les moyens qui sont en vous pour éclairer vos administrés. (…)

 Parlez le langage de la persuasion, de la fermeté pour les convaincre que les bruits répandus sont aussi dénués de vérité que de vraisemblance.(…)

 Je vous ai autorisé à réclamer le concours de MM. les Curés et les Recteurs. Leur influence combattra avec avantage ces attaques ridicules qui sont la dernière arme contre des méchants. Qu’enfin ces éternels ennemis de l’ordre, voyant l’inutilité de leurs tentatives, se lassent de vouloir égarer l’opinion publique, et ne cherchent plus à empoisonner le bonheur dont nous jouissons à l’abri du trône de Louis le Désiré. (…)

 Je vous serai obligé de m’informer avec exactitude de ce que vous aurez fait pour atteindre le noble but que je présente à toute votre vigilance. »  

                                         28 Avril 1816 

« Messieurs, 

Mes prédécesseurs vous ont souvent entretenu des avantages inappréciables de la Vaccine. Ces avantages ne sont plus un objet de discussion; les recherches, les épreuves, qui ont eu lieu depuis près de 20 ans, et les travaux assidus et nombreux des divers Comités établis dans tout le Royaume, les ont constatés d’une manière inattaquable. Maintenant que les gens de l’art ont démontré l’efficacité de cette méthode, c’est à l’Administration qu’il appartient d’en rendre, par ses mesures, la pratique générale et populaire. Tel est, Messieurs, l’objet de l’Arrêté que j’ai l’honneur de vous adresser.(…)

 Bannir entièrement la petite vérole du département, voilà le but que nous devons nous proposer. Ne négligez rien afin d’obtenir un résultat aussi important. (…)

 Que chacun de vous, Messieurs, ne cesse d’exhorter les pères de famille à faire vacciner leurs enfants. En plaçant devant leurs yeux, d’un côté, le tableau déchirant ou hideux d’un enfant moissonné ou défiguré par la petite vérole, de l’autre, l’extrême facilité de repousser cet épouvantable fléau. (…)   

NOUS PRÉFET DU VAR,

 Chevalier de la Légion d’Honneur, Commandeur de l’Ordre Grand-Ducal de Hesse-Darmstadt, 

Ayant pris connaissance de la situation du département, sous le rapport de la propagation de la Vaccine,

 Convaincu que les efforts de l’Autorité pour donner à la pratique de cette méthode salutaire une impulsion générale, n’y ont obtenu jusqu’à ce jour qu’un faible résultat; 

Considérant que, parmi les découvertes en Médecine, celle de la Vaccine est une des plus importantes;

 Qu’elle intéresse essentiellement la population et la santé publique; 

Qu’à l’avantage de n’entraîner à sa suite aucun accident fâcheux, elle joint celui d’être un préservatif infaillible et constant de la petite vérole; 

Qu’il est du devoir le plus sacré de l’Administration de ne rien négliger pour détruire enfin les préjugés qui pourraient s’opposer encore au succès d’un procédé, si simple dans ses moyens, si puissant dans ses effets, et d’en étendre et assurer les bienfaits à tous les individus. (…)

 Les pauvres seront vaccinés gratuitement. 

Tous les enfants trouvés, abandonnés, orphelins, en un mot, tous les individus admis, soit temporairement, soit définitivement dans les hospices, seront soumis à la vaccination, s’il n’appert, par des signes certains, qu’ils ont été vaccinés ou ont eu la petite vérole. Les vaccinations seront faites par le chirurgien de l’établissement.

 Les Principaux des Collèges, les Chefs de Pensionnats, les Instituteurs et Institutrices des Écoles Primaires, n’admettront, dans leurs maisons, soit à titre d’externe, soit comme pensionnaire, que des élèves qui seront porteurs de certificats délivrés par des gens de l’art et visés par le Maire, lesdits certificats portant qu’ils ont été vaccinés ou atteints de la petite vérole.

 Tout élève, admis présentement dans ces maisons, qui ne se trouveraient pas dans l’un ou l’autre des cas spécifiés ci-dessus, sera vacciné sur-le-champ. 

Il ne sera donné aucun livret d’apprentissage, ni aucun travail, dans les ateliers ou établissements publics, aux individus qui n’auront pas prouvé qu’ils ont eu la petite vérole ou qu’ils ont été vaccinés.

 Tous chefs d’ateliers, de fabriques et autres établissements particuliers, tous commerçants, marchands, maîtres de maisons, etc., seront invités par MM. les Maires à n’admettre, à titre de commis, ouvrier, apprenti, serviteur à gages, etc., quiconque ne justifierait pas, par un certificat authentique, avoir eu la petite vérole ou avoir été vacciné. (…)

   A partir de 1817, et le premier Dimanche du mois d’Avril de chaque année, il sera décerné, dans chaque canton, sur les fonds départementaux, un prix en faveur de ceux des Médecins, Chirurgiens, Officiers de Santé, ou autres personnes du canton, qui, dans le courant de l’année précédente, aura montré le plus de zèle et pratiqué le plus grand nombre de vaccinations. Ce prix consistera en livres ou en instruments de chirurgie. Il sera délivré par le Comité de canton, sur la délibération motivée dudit Comité, dûment visée et approuvée par les Comités d’arrondissement et de département. La séance sera publique.(…) 

  Indépendamment des prix de canton, et nonobstant les grands prix et récompenses accordés par le Gouvernement, il y aura un prix départemental, qui sera donné, comme ceux cantonaux, à celui qui sera reconnu avoir manifesté le plus de zèle pour la propagation de la Vaccine, notamment envers la classe pauvre, et obtenu le plus de succès.

 Ce prix, d’une valeur de 300 francs*, consistera en livres ou en instruments de chirurgie.

 Il sera décerné dans une séance publique du Comité central, qui aura lieu, à partir de 1817, le premier Dimanche de Mai de chaque année. Il sera rédigé un tableau nominatif des Vaccinateurs qui auront obtenu les prix.

 Ce tableau sera imprimé et envoyé à toutes les communes et établissements publics du département.

 Il en sera adressé un exemplaire à Son Excellence Le Ministre secrétaire d’état de l’Intérieur*, ainsi qu’à la Société centrale de Vaccine établie à Paris.  

Epilogue: 

* 300 Frs = environ 1300 € d’aujourd’hui

 * Ministre de l’Intérieur: Joseph Henri Joachim, Vicomte Lainé (1767-1835) 

Le Washington Post a répertorié 30573 fausses nouvelles envoyées par Donald Trump pendant ses quatre années de mandat présidentiel.

(note du rédacteur : "premier facteur de mortalité au dix-huitième siècle, la variole tuait, chaque année, 50 000 à 80 000 personnes en France, 25 000 à 30 000 en Angleterre. En 1796, Edward Jenner découvrait les fabuleuses propriétés de ce cowpox qui, transplanté de la vache à l’homme, immunisait contre le fléau. Entre 1800 et 1850, quelques centaines de vaccinateurs ont participé à une croisade sans précédent contre la variole sillonnant les campagnes, de village en village, de chaumière en chaumière, luttant contre la routine, et, parfois, contre l’hostilité des maires ou des curés. De surcroît, il n’était pas rare que le cowpox vînt à manquer ou perdît de sa virulence. Malgré tout, leurs efforts ont été couronnés de succès : au dix-neuvième siècle, la mortalité variolique s’effondre de 90 %.)