A quoi servent nos sourcils ? Des évolutionnistes suggèrent une réponse

Pourquoi les humains archaïques avaient-ils des arcades sourcilières si prononcées ? Pourquoi notre espèce Homo sapiens les a-t-elle bien moins proéminentes ? Voici ce qu'en dit une nouvelle étude.

 

Alors que nos lointains ancêtres Homo arboraient des arcades sourcilières proéminentes, l'espèce sapiens les a perdues, tout en gagnant en pilosité (sourcils).

 

Comme en évolution rien n'est gratuit ou presque, cette transformation de la face est supposée nous avoir donné un avantage évolutif. Mais lequel ?

 

Une nouvelle étude sur l'évolution des humains, basée sur une méthodologie originale, apporte une réponse probable.

 

Une protection physique ?

 

En réalité le questionnement des évolutionnistes est double car la raison d'être des ces arcades proéminentes dans la lignée des anciens Homo n'est pas non plus connue. De nombreuses hypothèses ont été émises, et c'est en les testant que les chercheurs ont aussi répondu à l'autre question, celle de leur disparition.

 

En effet, depuis les années 1960 dans les débats autour des arcades archaïques, les évolutionnistes ont beaucoup postulé : elles auraient servi à amortir les micro-chocs de la mastication sur le cerveau, à protéger les yeux contre les coups ou les morsures, à maintenir la sueur et les cheveux hors des yeux...

 

Numérisation et test mécanique

 

Les chercheurs ont testé ces hypothèses avec le crâne fossilisé d'un Homo heidelbergensis nommé Kabwe 1 (en Zambie), dont on suppose qu'il a vécu voici 300 000 à 125 000 ans, un contemporain des premiers Homo sapiens mais aux traits ancestraux (la situation de Kabwe 1 est encore débattue).

 

Numérisé en 3D, sa structure faciale à été soumise a un modèle de calcul basée sur... l'ingénierie civile (bâtiments, ponts) ou l'aéronautique, afin de quantifier les contraintes mécaniques agissant sur cette partie de leur anatomie et ses effets.

 

Conclusion : des arcades plus petites auraient suffit. Si leur fonction avait été la protection structurelle, la loi de sélection naturelle n'aurait jamais pu conduire à une telle proéminence. Mauvaise réponse donc. D'autres hypothèses mécaniques ont également été invalidées.

 

Un postiche qui fait peur

 

Les chercheurs ont alors moulé ces arcades afin de les tester sur eux et vérifier si elles étaient un bouclier efficace contre les "projections" (eau de pluie, sueur, soleil, cheveux, etc.).

 

L'expérience s'est révélée non probante... Mais la réaction apeurée des gens dans la rue, à la vue d'une "personne" (un des scientifiques avec le postiche) aux arcades si développées, leur a soufflé une idée : la proéminence aurait pu avoir une fonction (sociale) en accentuant l'aspect dominateur voire agressif pour intimider.

 

Selon les chercheurs, le fait que des arcades proéminentes sont plus fréquentes chez les hommes que chez les femmes pourrait indiquer que la structure s'est développée par sélection sexuelle.

 

Leur hypothèse

 

Le fait est qu'ils ont alors émis une hypothèse sur sa disparition chez Homo sapiens : en devenant plus lisses et discrètes, les arcades ont rendu cette partie du visage plus visible et mobile - les muscles du front et du cuir chevelu pouvant agir plus efficacement sur les sourcils, qui se sont étoffés.

 

L'avantage ? Gagner en subtilité dans la communication non-verbale en ouvrant tout un univers de signes avec les sourcils, aussi bien dans l'agressivité que dans la sympathie et dans d'autres fonctions (le doute, la conviction, l'étonnement) au haute portée sociale.

 

En conclusion, selon les chercheurs, c'est la sociabilité qui a été favorisée chez Homo sapiens, permettant à celui-ci de nouer des relations plus profondes et avec plus de monde, jusqu'à former une cohésion de masse servant de bouclier à la prédation, notamment. Un débat est lancé...

 

Roman Ikonicoff