Stanislas Dehaene : présentation


Les nombres dans le cerveau

Stanislas Dehaene est l'expert reconnu des bases cérébrales des opérations mathématiques, domaine dont il est le pionnier. Il a conçu de nouveaux tests psychologiques de calcul et de compréhension des nombres, et les a appliqués aux patients atteints de lésions cérébrales et souffrants de troubles du calcul. Son travail a conduit à la découverte que l'intuition des nombres fait appel à des circuits particuliers du cerveau, en particulier ceux du lobe pariétal. Il a utilisé les méthodes d'imagerie cérébrale afin d'analyser l'organisation anatomique de ces circuits, mais aussi leur décours temporel, démontrant, en 1999, que le calcul approximatif fait appel à des régions partiellement différentes de celles du calcul exact. En collaboration avec le neurologue Laurent Cohen, il a observé de nouvelles pathologies de ces régions, qui conduisent certains patients "acalculiques" à perdre toute intuition du nombre. Il a également montré des homologies frappantes entre le traitement des nombres chez l'homme et chez l'animal. Ainsi, les fondements de nos capacités arithmétiques trouvent leur origine dans l'évolution du cerveau.

Les travaux de Stanislas Dehaene montrent que des pathologies de la région pariétale, d'origine traumatique ou génétique, peuvent exister chez l'enfant. Elles entraînent une "dyscalculie", un trouble précoce du développement comparable à la dyslexie, mais affectant l'intuition du nombre. Le diagnostic, la compréhension, et la rééducation de la dyscalculie, par le biais de logiciels de jeux éducatifs, constituent des objectifs majeurs du laboratoire. 

L’impact de l’éducation sur le cerveau

A la fin des années 1990, Stanislas Dehaene a étendu ses recherches sur l’arithmétique pour aborder la question plus générale de l’impact sur le cerveau, de l’éducation aux symboles écrits. Ces recherches ont conduit à la découverte et à l’analyse, avec Laurent Cohen, de l’aire de la forme visuelle des mots, une région du cortex occipito-temporal gauche qui, au cours de l’apprentissage de la lecture, se spécialise pour la reconnaissance invariante de l’écriture. La comparaison du cerveau de personnes alphabétisées ou non a démontré que non seulement cette région, mais également certaines aires visuelles et auditives et leurs connexions, se modifient radicalement au cours de l’apprentissage de la lecture. Stanislas Dehaene s’attache aujourd’hui à en tirer les conséquences pour l’enseignement de la lecture et la prise en charge de la dyslexie,

Lecture subliminale et prise de conscience

Stanislas Dehaene a réalisé les premières expériences d'imagerie cérébrale du traitement subliminal des chiffres et des mots. Ces expériences ont démontré que des mots ou des nombres présentés trop brièvement pour que l'on en prenne conscience activent néanmoins une série de régions cérébrales spécialisées. Est-il possible, dès lors, d’identifier des "signatures cérébrales de la conscience", c’est-à-dire des événements cérébraux spécifiquement présents lorsqu’une information sensorielle ou une opération mentale accède à la conscience ? Les recherches suggèrent que la prise de conscience d'un mot est associée à l'entrée en activité soudaine et coordonnée de multiples régions supplémentaires, notamment dans le cortex préfrontal. Avec Jean-Pierre Changeux, Stanislas Dehaene développera des modèles mathématiques de cet "embrasement cortical", qui permet à l'information consciente d'être mémorisée et rapportée. Des applications cliniques aux comas et aux états végétatifs font l’objet d’une collaboration étroite avec Lionel Naccache à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

Vers un déchiffrement des codes neuraux du langage

Les recherches actuelles de Stanislas Dehaene tentent de repousser les limites de l'imagerie cérébrale. L'objectif est de déchiffrer le code propre à chaque région corticale et d'en comprendre l'origine au cours du développement : imagerie cérébrale de la lecture, de la compréhension des phrases, du bilinguisme ; visualisation de l'activité du cerveau du nourrisson ; variabilité du cerveau d'une personne à l'autre. Dans ces domaines où l'imagerie cérébrale tisse des liens entre psychologie et neurosciences, ces recherches ouvrent des perspectives renouvelées de compréhension du cerveau humain.

Stanislas Dehaene occupe actuellement la chaire de psychologie cognitive expérimentale au Collège de France à Paris et dirige l'unité de neuro-imagerie cognitive au centre NeuroSpin à Orsay. Il a résumé ses recherches sur le cerveau et les mathématiques dans des livres à destination du grand public dont La bosse des maths et Les neurones de la lecture. Il a obtenu le Grand prix de l'Inserm 2013 pour l’ensemble de son travail consacré à la conscience.